[Interview] Elliott Murphy

Cela fait un bon moment que je dois poster cette interview d’Elliott Murphy mais le temps est passé et comme une vilaine, j’ai gardé ses réponses pleines de pépites rien que pour moi. Le début de la rencontre est difficile à retranscrire car nous avons discuté de façon informelle de nos idoles respectives. Moi de Rickie Lee Jones, lui de Nick Lowe, Dylan et Lou Reed. J’ai donc commencé à retranscrire l’interview à compter de ma vraie première question.

La voici avec beaucoup de retard !

J’espère que vous y découvrirez (comme ce fut mon cas) un homme passionnant et charmant qui, après avoir trouvé son équilibre, poursuit désormais sa carrière au rythme de ses envies.

Une très jolie rencontre !

 

Elliott_&_Me_Bannière

 

Sur le nouvel album, It Takes a Worried Man, tu as choisi un titre sombre malgré des chansons plutôt énergiques et pleines d’espoir.

Il y a effectivement beaucoup de chansons remplies d’espoir. Je choisis d’ouvrir sur cet ancien air folk “It Takes A Worried Man” qui raconte l’histoire horrible d’un homme qui s’endort près d’une rivière. Et quand il se réveille, la police l’arrête, le met en prison. Pourtant, il est innocent. Mais la mélodie de cette chanson est très joyeuse en effet. On retrouve un peu cette dualité sur tout l’album en effet. J’étais très heureux de faire cet album car c’est mon fils Gaspard qui l’a produit. Nous avons beaucoup travaillé ensemble et j’ai trouvé ça fantastique. Je pense que ces chansons sont le reflet de ce qui se passe dans ma vie aujourd’hui. Je suis à un point de ma carrière où je peux vraiment faire ce dont j’ai envie. Je n’ai plus rien à prouver à personne. Certaines chansons de cet album sont très personnelles.

 

En écoutant les paroles de “I’m an Empty Man”, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la chanson de David Bowie quand tu chantes “Ashes to Ashes, Dust to Dust”. C’est voulu ?

Toutes ces influences musicales flottent dans l’air. Parfois, on écrit une chanson et on se rend compte d’un coup que “Tiens, Bob Dylan a déjà écrit ça” ou “Tom Waits a chanté une phrase comme celle-ci”. Je n’avais jamais associé cette expression à David Bowie mais je suis un grand fan donc ça doit probablement venir de là.

Pour “Dust to Dust”, cela me fait davantage penser à la chanson “Devils & Dust” de Bruce Springsteen.

 

D’ailleurs, on retrouve Patti Scialfa, la femme de Bruce dans cette chanson. 

Oui, ce fut un honneur de l’avoir dans les chœurs pour cette chanson. Cela a failli ne pas se faire. Je lui avais envoyé la chanson. Elle l’avait adoré et avait accepté de participer et on devait travailler dessus. Et l’ouragan Sandy est arrivé et a fait de très gros dégâts dans le New Jersey. Patti s’est beaucoup investie pour aider les gens qui avaient été touchés par la tempête. On a décalé de nombreuses fois le projet et au final, il ne nous restait plus que deux jours avant de masteriser de l’album. Elle a eu la gentillesse de faire sa partie le dernier jour donc j’étais très heureux.

 

Avec quel membre du E-Street Band se fera ta prochaine collaboration ? Little Steven ? Nils Lofgren ? J’ai vu une photo géniale de Nils et toi sur Twitter. 

Nils est super ! C’est un grand guitariste, un grand auteur-compositeur. J’aimerais beaucoup faire quelque chose avec lui. Et l’énergie de Little Steven !! Bonne idée, je note !

 

Tu travailles depuis de nombreuses années avec Olivier Durand. C’est vraiment ton complice artistique à la manière d’un Mick Jagger avec Keith Richard, d’un Steven Tyler avec Joe Perry. Mais s’ils sont respectivement les Glam’ Twins et les Toxic Twins, quel genre de jumeaux êtes-vous Olivier et toi ? 

Nous sommes les Franco-American Twins, the Franglais Twins ! (rires)

 

Elliott Murphy & Olivier Durand par Christian Taillemite

Elliott Murphy & Olivier Durand par Christian Taillemite

 

Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ? 

Nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire du journaliste Jérôme Soligny qui vit au Havre. Je connaissais Jérôme depuis des années. J’avais produit son premier album solo. Il écrit pour Rock & Folk et a édité de nombreux livres sur le Rock ‘n’ Roll. J’avais besoin d’un guitariste et j’ai demandé à Jérôme s’il connaissait quelqu’un. Il m’a recommandé et présenté Olivier dans mon appartement, rue Beauregard. Il était timide. Il a dû dire deux mots en tout. Je jouais un set à Montpellier et Olivier a proposé de m’accompagner. Cela s’est très bien passé.

 

Et avec les Normandy All Stars ? 

Avec le groupe, c’est venu plus tard. Je travaille avec Olivier depuis près de 18 ans mais cela fait “seulement” 8 ans que je joue avec les Normandy All Stars. On a commencé à jouer ensemble grâce à Olivier car à l’époque, mon batteur et mon bassiste étaient américains. Ils sont tous les deux rentrés vivre aux Etats-Unis. J’avais besoin d’un groupe et Olivier m’a proposé son groupe.

 

Le fait que le groupe et toi, vous ayez des cultures différentes, qu’est-ce que vous apporte ?

On a la même culture musicale, c’est ce qui est important. Olivier et les gars écoutent de très nombreux artistes américains. Alan Fatras, le batteur, vient du groupe The Scamps. On avait joué ensemble à un festival. Et Laurent Pardo, le bassiste, jouait auparavant avec Kid Pharaon. On avait aussi joué ensemble donc c’est une grande famille.

 

Que ce soit des chansons, des nouvelles ou un roman, tu as toujours besoin d’écrire. Comment te vient l’inspiration ? 

Le problème n’est pas de trouver l’inspiration pour écrire mais de trouver le temps pour écrire. (rires) En ce moment, je réécris ma nouvelle “Poetic Justice”. On va sortir une nouvelle traduction en espagnol et je me suis dit que c’était un bon moment pour retravailler le texte. Je fais toujours des aller-retours entre mes différents projets. Quand j’écris une nouvelle, j’écris moins de chansons et inversement. Le mois dernier, à l’inverse, j’ai écrit une dizaine de chansons. Je vais les enregistrer en Janvier pour faire un album hippie.

 

Un album hippie ? 

Oui, pour l’instant, on a 5 nouvelles chansons. Gaspard a pensé qu’on pourrait essayer de faire un album hippie pour changer un peu de registre, faire quelque chose de plus intime. Il sonnera moins “produit” que le dernier. On va se concentrer sur ma voix et ma guitare. J’espère que ça restera tout de même puissant. On va jouer ça avec les Normandy All Stars.

 

Tu joues également au New Morning les 14 et 15 mars, la veille de ton anniversaire. D’où vient ce lien spécial que tu as avec le New Morning ?

Tout d’abord, c’est vraiment tout prêt de chez moi. (rires) J’y joue depuis 20 ans et c’est peut-être le dernier vrai club jazz, rock, blues à Paris. Il y a très longtemps, j’y ai vu Chet Baker, Nick Lowe…

 

Dans ta propre discographie, quel est ton album préféré ? 

Comme album entier, peut-être Beauregard. Il y a un sentiment spécial sur cet album. C’étaient de vieilles chansons, une production à l’ancienne. Ou bien Just A Story From America… Je trouve qu’ “Anastasia était une bonne chanson. Ou encore 12… C’est le premier album que j’ai enregistré quand j’ai déménagé en France. Et aussi le dernier album, It Takes A Worried Man.

Parlons justement de la naissance de 12, ton premier album “parisien”.

12 était un concept-album car je voulais écrire et enregistrer les chansons au même endroit. Je venais juste d’emménager à Paris. J’habitais dans un loft sur le Faubourg Saint-Antoine. J’ai écrit les chansons là-bas et je les ai enregistrées là-bas. Et puis, Gaspard est né… Tout est arrivé en même temps !

Sur cet album, il n’y a pas d’overdub. On a enregistré sur un simple lecteur digital 2 pistes. C’était un album naturel, fait-maison. C’était mon douzième album, raison pour laquelle il s’appelle 12. J’avais écrit 15 chansons sur cette étape importante de ma vie, sur le fait d’aborder ce deuxième acte de vie. On l’a fait sur un CD simple mais à la base, c’était un double-vinyle. C’était vraiment un album personnel.

 

Et si tu devais choisir ton album préféré chez un autre artiste… ok, disons 3 albums…

Il y aurait forcément Blonde on Blonde de Bob Dylan. “I Want You”, “Visions of Johanna”, “Sad Eyed Lady of the Lowlands”, toutes ces ballades…

Ensuite, disons Exile On Main Street des Stones…

Album qui a aussi été enregistré en France ! (rires)

Il a été enregistré en France, c’est vrai ! (rires) Et enfin, j’adore le premier album de Bruce Springsteen, Greetings From Asbury Park. Je ne sais pas si c’est son meilleur album mais en tout cas, c’est à cette période que nous avons été présentés l’un à l’autre et que nous sommes devenus amis.

 

Bruce Springsteen & Elliott Murphy

Bruce Springsteen & Elliott Murphy

 

Bruce Springsteen semble faire partie de tes bons amis. Dans ton livre “Marty May”, tu parles justement des bonnes et des mauvaises fréquentations qu’on se fait quand on travaille dans l’industrie musicale. A l’instar d’Inger Peach ou de Tom Dunn qui accompagnent le héros de ton livre, as-tu fait de belles rencontres toi aussi ? 

Oui bien sûr ! Dans l’industrie musicale, il y a des tas de gens qui aiment la musique plus que le business. Mais comme dans cette industrie, le produit n’est pas un objet mais une personne, ça peut très vite devenir un univers très cruel. Parce que quand on rejette ce que tu offres, ton produit donc toi, ça devient très personnel. Dans la musique comme dans le cinéma d’ailleurs, on vend des CDs, des vinyles, des DVD et parfois certaines personnes te traitent vraiment comme un vulgaire produit, comme un vulgaire paquet de céréales. Quand tu es fini, tu es fini. Mais j’ai eu de la chance. Peter Siegel, l’homme qui m’a fait signer mon premier contrat et qui finalement, a produit mon premier album était super. Et ensuite, j’ai croisé des gens sympas chez Columbia. J’ai eu d’excellentes relations avec les labels indépendants comme Patrick Mathé de chez New Rose et Last Call.

Je suis rentré dans ce business à 23 ans, j’étais naïf et je me suis jeté dans la gueule du loup. Tu essayes en même temps de savoir qui tu es. Il y a des gens dans ce business qui sont capables de te voler tout ce que tu as et tout ce que tu es, si tu les laisses faire. Tu dois donc te protéger avec des avocats et des managers.

 

Quelle a été ta plus belle rencontre avec un autre artiste ?

Je me souviens une fois avoir fait l’ouverture d’un concert de Joan Baez à Vichy. Avant le concert, on a pris un café et on a discuté. Elle était adorable. Nous avons parlé de son fils qui est batteur et qui était en visite en Afrique.

J’ai aussi interviewé Tom Waits pour le magazine Rolling Stone, un jour où il y avait un énorme ouragan sur New York. Les rues étaient désertes, c’était vraiment étrange…

Une atmosphère à la Tom Waits…

Effectivement, c’était vraiment une atmosphère à la Tom Waits ! (rires)

 

Et Lou Reed ? 

Lou, c’est autre chose car nous étions très amis dans les années 70. Il a été d’une grande aide au début de ma carrière. Il écrivait et appelait les journaux et magazines pour dire du bien de moi. Il m’a fait rentrer chez RCA Records. Il devait même produire mon deuxième album mais il a dû partir en tournée. Mon dernier souvenir de Lou, c’était à Paris. On ne s’était pas vus depuis des années. On s’est croisés par hasard sur un pont au dessus de la Seine. Il m’a demandé des nouvelles après tout ce temps. Je lui ai parlé de ma vie à Paris, de mon fils Gaspard, de mes projets d’album et de mes concerts. Et il m’a dit : “Je vois que finalement, tout est rentré dans l’ordre !”. (rires)

 

T’es-tu déjà senti aussi seul et perdu que ton protagoniste Marty May ? 

J’ai déjà ressenti la même chose que Marty de nombreuses fois dans ma vie. C’est pour ça que je suis aussi à l’aise pour écrire sur le sujet. Malgré tout, Marty et moi, nous sommes très différents. Marty est un guitar-hero. Je me considère plutôt comme un auteur-compositeur. L’histoire de Marty May commence avec le blues. Il accompagne une vieille icône du blues qui joue quelque chose de pur, de vrai. Il se débat intérieurement car il veut faire carrière dans la musique et il sait qu’il doit abandonner cette pureté qu’il a toujours connu. Est-ce que Marty May pense comme moi ? Probablement, d’une certaine façon. Il y a beaucoup de similarités entre nous mais ce n’est pas moi. C’est à propos d’un monde que je connais mais ce n’est pas moi. Je devrai attendre ma biographie pour parler davantage de moi. (rires)

 

Marty May by Elliott Murphy

Marty May by Elliott Murphy

 

Bien que tu l’aies écrit il y a longtemps (en 1979), c’est un livre qui reste d’actualité ! En revanche, il faut transposer certains éléments comme par exemple, la New Wave que tu décris comme froide et électrique. Ce serait quoi la New Wave d’aujourd’hui ? 

La New Wave était le prémice d’une musique déshumanisée – bien qu’il y ait eu de super groupes comme les Talking Heads que j’adore – mais c’était un son un peu robotique et aujourd’hui, le son est aussi assez électronique. J’ai écrit ce livre lors d’une période très sombre de ma vie et de ma carrière : ma maison de disques Columbia venait de me lâcher, j’étais en plein divorce avec ma femme, tout mon argent partait dans les taxes, tout allait de travers…

L’écriture a été une sorte de thérapie. J’ai commencé par écrire une série de nouvelles, inspirées par une série de F. Scott Fitzgerald qui s’appelle “The Pat Hobby Stories”  et qui raconte la vie d’un scénariste en perte de vitesse dans le Hollywood des années 30. Jann Wenner, qui est le créateur et l’éditeur de Rolling Stone aux US cherchait des histoires à publier dans son journal et j’ai commencé à être publié comme ça. Puis, c’est paru également en France mais c’était compliqué d’en tirer de l’argent car il y avait trois parties et puis, c’était un peu court pour un bouquin. Il y a deux ans, je suis retombé sur cette version que j’avais tapée à la machine et je me suis empressé d’en faire une version numérique “au cas où” en la réorganisant un peu mais sans toucher le texte. Christophe Mercier, un ami à moi qui est traducteur pour Gallimard, s’y est intéressé et finalement, on l’a publié chez Gallimard.

 

Tu connais tous ces super-groupes : les Traveling Wildburys, le groupe SuperHeavy de Mick Jagger/Joss Stone et consorts… ?

Si tu devais toi aussi monter un supergroupe, quels artistes/musiciens choisirais-tu ? 

Hum, je vais reprendre ton idée de me faire chanter avec Rickie Lee Jones…

Ouahou, je suis en plein rêve ! 

Peut-être Nick Lowe à la basse, mon fils Gaspard à la guitare, Tom Waits au piano… Quoique je ne pense pas que Tom Waits et Rickie Lee Jones accepteraient de jouer ensemble…

Non effectivement, il risque d’y avoir quelques tensions ! (rires)

Oui (rires) alors disons que Keith Richards viendrait également mettre son grain de sel là-dedans… Pourquoi pas !?

On s’appellerait les “Still Crazy” (rires)

Ah oui, ça colle avec vos différentes personnalités ! (rires)

 

Tu travailles aussi beaucoup avec ton fils Gaspard. J’ai entendu dire que tu étais un peu son manager.

En fait, Gaspard a déjà une manageuse qui travaille également le groupe Superbus. Moi, j’agis plutôt comme un parrain.

Gaspard commence sa carrière avec Duplex. Est-ce que son attitude est la même que celle que tu avais quand tu as commencé ?

Non, Gaspard est beaucoup mieux préparé. Il a étudié la production studio à l’université. Il a un diplôme et il a aussi plus d’expérience. Il a déjà été sur la route avec Bruce Springsteen et il a fait pas mal de tournées. Il a déjà produit l’un de mes disques. Il vient en studio avec moi depuis qu’il a 12-13 ans.

De mon côté, quand j’ai commencé, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Gaspard est beaucoup moins naïf que moi. Et je le suis toujours, d’ailleurs !

Et comment tu te débrouilles avec Internet, Facebook, Twitter… ?

Plutôt pas mal, je pense ! Pour un artiste comme moi, Internet est un média fantastique. Si j’arrivais à réunir tous mes fans dans un seul endroit, je pourrais sans doute jouer à Bercy. (rires) Internet, c’est un lieu magique pour créer une communauté de fans qui viennent du monde entier.

Tu tweetes beaucoup ! (Suivez Elliott Murphy sur Twitter)

Oui, je tweete mais pas autant que je le devrais !

C’est là que j’ai découvert ta passion pour la tarte au abricot en forme de poisson de chez Stöhrer (rires).

 

Tu gères toi-même ta page Facebook ? 

Pas entièrement. Je ne gère pas mon site Internet, c’est quelqu’un d’autre qui s’en charge mais j’essaye de m’occuper de ma page fan.

 

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Livraison : une tarte aux abricots pour Elliott Murphy

 

Aujourd’hui, tu as ton propre label perso. C’est à la suite de mauvaises rencontres dans le milieu (comme pour Marty May) que tu as eu envie de devenir indépendant ?

En 1979, j’avais fait 4 albums pour les majors. Je suis venu jouer en Europe et j’ai pu observer un système très différent. Ici, les gens avaient des contrats-albums dans plusieurs sociétés et dans plusieurs pays. Donc je me suis dit que je pouvais peut-être faire ma propre tambouille. Je l’ai vraiment fait par nécessité car je n’avais plus de contrat. Et maintenant, on m’appelle “le pionnier de la musique indépendante” car je fais ça depuis 30 ans. Mais j’ai simplement créé un moyen pour moi de diffuser ma musique. J’ai trouvé un moyen de créer des albums pour pas trop cher mais j’ai dû tout apprendre.

Tu sais tout ce qu’il faut savoir sur l’auto-production !

J’en sais trop… (rires)

En 1979, on était encore dans la période vinyles et je venais de sortir mon album hippie Affairs.

J’avais créé une entreprise avec mon frère mais lui travaillait également comme tour manager pour le groupe Talking Heads.

Un jour, un disquaire de New York m’appelle en me disant qu’il a besoin de plus d’albums. Je lui dis “Ok, on vous livre aujourd’hui”. Je prends alors un carton de vinyles et je les emmène moi-même jusqu’à cette boutique. Je rentre : “Bonjour, c’est vous qui avez commandé les vinyles d’Elliott Murphy ?”. Le gérant me regarde très étonné et me dit :”Et bien oui, mais vous êtes Elliott Murphy ! Vous délivrez les albums en personne ?” Je lui réponds que oui. Il me demande pourquoi. Ma réponse :”Parce que je veux un contrôle artistique TOTAL !” (rires)

 

Est-ce que tu penses que c’est mieux de débuter avec un label ou qu’il est préférable dès le début d’être indépendant ? 

C’est mieux de commencer avec un label parce qu’honnêtement, la renommée que j’ai acquise en travaillant avec Polydor, RCA et Columbia a rendu beaucoup plus facile mon tournant vers l’indépendance. Mon nom était connu partout.

Quand tu commences en indépendant, personne ne te connaît et c’est à toi de te lancer donc c’est plus difficile ! C’est ce que je souhaite à Gaspard. S’il a l’opportunité de commencer avec un label, c’est mieux pour la suite.

 

J’aimerais terminer avec des questions un peu plus “fun”, et notamment avec quelques questions sur Paris, ta ville d’adoption. 

Quel est ton lieu préféré à Paris ? 

Oh, il y en a tellement. J’adore la rue Montorgueil, ses pâtisseries Stöhrer (rires), son marché. Mais je crois que ce que je préfère à Paris, ce sont les ponts. J’adore traverser la Seine, quand le soleil se couche. C’est un moment magique pour contempler la ville. La Seine est vraiment un élément central ici, elle est en plein milieu de la ville, tout tourne autour du fleuve. C’est assez métaphorique cette rivière, ces ponts et la façon dont se rejoignent les deux rives.

Tu habites rive droite. Vas-tu souvent rive gauche ?

J’habite rive droite. Dans l’ancien temps, il me semble que les artistes vivaient rive gauche et aujourd’hui, j’ai de plus en plus l’impression que c’est l’inverse et qu’ils sont désormais sur la rive droite. Mais j’aime beaucoup aller rive gauche. De temps en temps, je vais au Café de Flore et je pense à Fitzgerald et Hemingway. Je ne sais pas pourquoi mais je suis dans mon élément à Paris. Mon français est loin d’être parfait… (il parle français) Je peux parler français. Je me défends…

Ah oui,  on aurait pu faire l’interview en français en fait !?

Non, pour les interviews… (il repasse en anglais) …je suis plus à l’aise en anglais. J’ai déménagé ici en 1989. Je ne savais pas si je pourrais rester. Je n’avais pas assez d’argent pour payer un mois de loyer. Je me suis achetée ma vieille Stratocaster en me disant qu’au pire, je pourrais la revendre en cas de coup dur. Et me voilà, 24 ans plus tard, j’ai toujours cette guitare, je ne l’ai toujours pas vendue. Je travaille avec mon fils de 24 ans. La mairie m’a remis la Médaille de la Ville de Paris. Plus qu’un honneur, pour moi, c’était vraiment symbolique car j’ai la sensation d’être arrivé ici en immigrant et au final…

On t’a adopté !

Tout à fait !

Finalement, je pense que tu es bien plus parisien que je ne le suis…

Il y a quelques mois, ma femme a convenu que finalement, j’étais devenu un VRAI parisien. Je lui ai demandé pourquoi elle disait ça. Elle m’a répondu : “Parce que tout ce que tu fais, c’est râler à propos de Paris comme le font tous les parisiens !” (rires)

 

Elliott_Murphy_Bertrand_Delanoe

Elliott Murphy & Bertrand Delanoe

 

Ton personnage Marty May a sa boutique fétiche, chez Manny’s dans laquelle il va toujours acheter ses instruments. Est-ce que toi aussi, tu as également un magasin fétiche ici, où on peut espérer te croiser ?

A New York, Manny’s n’existe plus. C’était un endroit génial. C’est là que mon père m’a acheté ma première guitare. Ils accrochaient des photos d’artistes sur le mur et j’avais ma photo là-haut, accrochée à côté de celle de Jimi Hendrix. C’était fort.

Où vais-je pour acheter mes instruments ? En général, je les achète sur Internet mais j’aime aussi jeter un œil dans les boutiques de Pigalle.

Ce qui est drôle, c’est que… à Paris, les magasins de musique sont à côté de Pigalle… à New York, les disquaires sont à côté de Times Square… à Hambourg, ils sont tout près du Reeperbahn… Les magasins de musique sont toujours à proximité des quartiers rouges où pullulent les prostituées et le sex-shops (rires). C’est cocasse. D’où vient ce lien ?

Dans beaucoup de villes, c’est comme ça. Aujourd’hui, à New York, Times Square a été entièrement nettoyé et c’est devenu très touristique. Mais à l’époque, c’était vraiment la zone !

 

J’ai une dernière question pour toi.

Te reste-t-il encore des choses dingues à accomplir sur ta wishlist 

Humm… (il réfléchit)

Oui tiens, j’ai toujours pensé que certaines de mes chansons feraient de bons films !

Un peu comme le film “The Indian Runner” de Sean Penn qui découle d’une chanson de Springsteen ?

Oui, quelque chose comme ça… Je verrais bien un film basé sur “Last of the Rock Stars”. J’ai toujours vu mes albums comme des livres et j’ai toujours pensé que des films pourraient naître de toutes ces chansons.  Je rêve de voir Marty May adapté au cinéma. Je ne pense pas qu’il y ait eu de vrais films sur le rock ‘n’ roll pour le moment. Les films sont toujours à propos de stars, de drogues, de limousines. Je pense que Marty May pourrait vraiment raconter l’envers du rock ‘n’ roll, apporter un autre éclairage…

Qu’est-ce que j’aimerais faire d’autre ? Jouer un peu de guitare avec Keith Richards…

Tu m’appelles ce jour-là ! (rires)

Bien sûr ! (rires)

D’une certaine façon, mes rêves sont devenus réalité. Partager la scène du Stade de France avec mon fils et Bruce Springsteen et chanter Born to Run, c’était magique… c’est difficile de faire mieux !

 

Merci Elliott pour cette belle conclusion ! 

Merci à toi !

 

Retrouvez le dernier album d’Elliott Murphy, It Takes A Worried Man sur la FNAC, Amazon et iTunes.

 

Pour ceux qui souhaitent se procurer son livre “Marty May” (que je recommande fortement), c’est ici : FNAC / Amazon

 

[Interview] Popa Chubby

[Update] Trois ans plus tard, cette interview de Popa Chubby reste ma préférée. Ce jour-là, j’ai découvert un artiste avec un cœur gigantesque, un sens de l’humour désopilant, une culture musicale très proche de la mienne, comme un genre de grand frère mélomane. L’interview s’est très rapidement convertie en conversation amicale pendant laquelle nous nous sommes découverts de très nombreux points communs. Popa Chubby est un artiste à part, avec une vision de la musique presque spirituelle. Sa voix est incroyable, son sens du rythme et son jeu sont à couper le souffle. Soutenez-le autant que vous pouvez, allez le voir en concert, achetez ses albums ! Des artistes comme lui, on n’en croise pas tous les jours ! :D 

 

Il y a quelques semaines, Popa Chubby était de passage au Trianon pour un concert fort en émotions. Le lendemain, il me recevait dans son hôtel pour une discussion fabuleuse d’1h30. Morceaux choisis…

 

 

Hier soir, tu donnais un concert au Trianon devant un public envoûté. Tu viens très souvent à Paris. Que représente cette ville pour toi ?

Les parisiens sont un public unique. La première fois que j’ai joué à Paris, c’était en 1996. C’était magique ! Il y a quelque chose de particulier dans cette ville, dans la musique, dans les gens. Hier soir, j’étais très ému. Tu sais, quand tu es gamin et que tu rêves de devenir musicien, tu te fais une idée précise de ce que tu veux. Hier soir, c’était exactement ce dont je rêvais plus jeune. Il y a quelques dates sur la tournée qui sont vraiment intenses et Paris en fera toujours partie.

Et puis, ici, chaque salle a son histoire. Il y a quelques années, j’ai fait l’Olympia. Ce soir-là, en jouant, je me disais “Jimi Hendrix s’est produit sur cette scène !”

 

Comment expliques-tu le succès que tu as acquis auprès des français ?

Je ne sais pas. Peut-être que c’est parce que je suis brut. Je ne suis pas lisse. Je n’ai pas de vernis. Je ne suis pas gentil… je suis un affreux ! (rires)

 

Les artistes sont devenus trop lisses selon toi ? 

La plupart des artistes le sont, oui. On leur crée un personnage. Ce sont comme des chiens savants qu’on habille. Ce ne sera jamais mon cas.  Je suis The Beast From The East (=La Bête de l’Est). J’aime l’authenticité. Peut-être que les gens aiment le fait qu’avec moi, ils peuvent être eux-mêmes. Le rock ‘n’ roll rapproche les gens. Il est dangereux et authentique.

 

Sur ton dernier album Universal Breakdown Blues, tu dresses un portrait plutôt cynique de la société. Tout le monde serait en train de craquer. Est-ce que ça veut dire que tu craques également ? 

Absolument, tous les jours ! Je repars chaque jour à zéro. Chaque jour, chaque minute, chaque seconde, je me renouvelle.

 

Mais où trouves-tu les ressources pour sans cesse te renouveler  ? 

Dans certaines philosophies de vie que j’étudie, dans les gens qui illuminent ma vie. La plus belle chose qu’on m’ait dite, c’est que dans la vie, la seule obligation qu’on est, c’est d’être authentique. Or, tu ne peux être authentique que sur le moment.

Tu n’es déjà plus la personne que tu étais avant de venir à cette interview. A ce moment précis, tu es quelqu’un de différent. Tu ne seras plus la même personne après cette interview. A ce moment précis, on se regarde dans les yeux, on est en phase et on vit le moment présent. C’est ça le rock ‘n’ roll !

 

Tu as d’autres astuces au quotidien ? J’ai entendu dire que tu pratiquais le Tai-chi…

Oui, je pratique le Tai-chi tous les jours. D’ailleurs, ce matin, j’ai fait mon Tai-chi sur le Boulevard Rochechouart et tout le monde me regardait bizarrement !

Il y a deux ans, j’ai eu un très grave accident. Je me rendais à un concert et mon van s’est retourné. J’ai failli mourir. J’ai été grièvement blessé et aujourd’hui, j’ai plus de mal à me déplacer. C’est pour ça que sur scène, je reste souvent assis. Mais bon, c’est la vie ! Et le Tai-chi me fait du bien.

 

Le Tai-chi est une discipline spirituelle. Tu te considères comme quelqu’un de spirituel ? 

Oui, et je pense que la musique elle-même est spirituelle. Quand tu joues des percussions par exemple, tu invoques les esprits. Dans toutes les cultures, il y a des percussions. Les chamanes appellent les esprits à l’aide grâce aux percussions. C’est aussi ce qu’on fait sur scène. Un bon concert de rock, c’est une expérience spirituelle et tout le monde doit être transporté dans une autre dimension.
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D’ailleurs, hier soir, ton batteur et toi,  vous nous avez offert un duel incroyable. Nous étions tous en transe. 

Oui, les gens oublient leurs problèmes. Pendant une minute, ils sont simplement là, ils sont engagés. Pouvoir créer ça, c’est une façon merveilleuse de gagner sa vie. De toute façon, je ne saurais rien faire d’autre.

 

Comment as-tu appris à jouer de la batterie ? As-tu appris la guitare ou la batterie en premier ?

J’ai d’abord appris la batterie. Quand j’étais petit, il y avait une émission TV le soir appelée “The Johnny Carson Show”. C’était un talk show et le batteur de l’émission était Buddy Rich. Pour moi, il sera toujours le meilleur batteur au monde. J’étais très impressionné par ce type. Et puis, dans les années 60, il y avait aussi cette chanson des Surfaris “Wipe Out” qui passait beaucoup. Il y avait un super solo de batterie. Du coup, à l’époque, j’avais pris l’habitude de frapper le rythme sur tout et n’importe quoi. A l’école, ça rendait fous mes profs ! Je voulais vraiment être batteur.

Et puis, un peu plus tard, mon père m’a emmené voir Chuck Berry en concert et là, j’ai voulu devenir guitariste. Ensuite, avec tous les groupes Led Zeppelin, les Rolling Stones et Jimi Hendrix, ça m’a convaincu. J’ai commencé à jouer sur des guitares vraiment pourries avec des sons très bruts.

 

Justement, quel souvenir gardes-tu de tes débuts ? 

Quand j’étais gamin, dans ma ville, j’étais un peu le connard de service. J’ai commencé à jouer de la guitare et là, tout le monde m’a trouvé cool. Mes premiers concerts étaient vraiment pourris. Je jouais dans des salles crasseuses, je n’étais pas payé… Un jour, on m’a proposé de jouer au légendaire CBGB, à New York. J’étais fou de joie. J’habitais loin, en banlieue. J’ai dû marcher jusqu’à la gare et prendre le train avec ma guitare et mon ampli Marshall. C’était la galère. J’y ai joué gratuitement mais j’étais aux anges. Quand j’ai raconté à mes potes que j’avais joué là-bas, personne ne m’a cru…

Pareil, il y a quelques temps, j’ai croisé un ancien camarade de classe que je n’avais pas vu depuis des siècles. Il m’a demandé ce que j’étais devenu. Je lui ai dit que j’avais un groupe “Popa Chubby”. Il m’a répondu “Ah oui, je connais ce type.” Je lui ai dit que c’était moi, Popa Chubby. Il m’a répondu “Va te faire foutre, menteur”. Personne ne me croît jamais ! (rires)

 

 J’ai beaucoup aimé la chanson Danger Man sur ton dernier album. Pourrais-tu m’expliquer ce qu’elle signifie ?

En fait, j’essayais d’expliquer à la fille que j’aimais à l’époque qu’elle était avec le mauvais type et que j’étais le bon. Cela n’a pas marché… (rires) mais j’ai quand même gardé la chanson. A l’origine, le blues, le rock ont été perçus comme dangereux. Un mec comme Elvis Presley était perçu comme une menace pour la société. Il faisait si peur aux parents qu’ils brûlaient ses disques, qu’ils interdisaient à leurs filles de le regarder. Pareil, quand Chuck Berry a commencé, personne ne pensait qu’il était noir. Dès que les gens apprenaient qu’il était noir, ils flippaient.

Bo Diddley, aussi ! Lui, c’était mon héros et l’un des mes très bons amis. Bo était l’homme le plus gentil du monde mais il disait : “I’m the Black Gladiator, the Orignator, 500% more man”. Il se créait un personnage comme un genre de rituel tribal. C’était génial !

Howlin’ Wolf, Muddy Waters… Tous ces mecs-là étaient dangereux. Ils sortaient armés et ou avec des rasoirs dans leurs poches. Ce n’est pas un métier très facile. Quand de jeunes musiciens viennent me demander des conseils,  je leur dis que s’il existe quoi que ce soit d’autre qu’ils sachent faire, alors qu’ils le fassent. S’ils ne savent rien faire d’autre, alors ok, ils peuvent se lancer dans la musique… Si tu te lances là-dedans, tu es maudit. Tu ne pourras plus rien faire d’autre.

 

Parmi tes idoles, tu cites de nombreux musiciens noirs : Muddy Waters, Chuck Berry. Par ailleurs, tu reprends de nombreux morceaux de B.B.King ou Jimi Hendrix. Finalement, ne serais-tu pas un musicien noir égaré dans un corps de blanc ? 

(rires) Je n’y avais jamais vraiment pensé mais soyons honnêtes, ce ne sont pas les blancs qui ont créé le rock’n roll, le blues, le jazz… Ce sont les noirs ! Ensuite, les blancs s’en sont emparés et les ont rendus populaires. Mais j’aime penser qu’on a dépassé tout ça, que tout ça n’a plus d’importance. Ce qui est étrange, c’est qu’aujourd’hui, on voit énormément de blancs faire du rock et très peu de noirs. A un moment, ils ont été mis de côté par le système. C’est malheureux.

 

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Si tu devais créer un super groupe comme les Travelling Wilburys ou Superheavy, quels artistes choisirais-tu ? 

Oh, j’adorerais ça. Je monterais un groupe sympa avec, pourquoi pas, des types de New York. J’aime aussi travailler avec des musiciens pouvant tout jouer – jazz, funk, swing, blues, rock – pour pouvoir reprendre toutes sortes de morceaux.

 

J’ai lu une interview dans laquelle tu disais que faire des tournées était financièrement indispensable pour toi. Si tu étais riche, ferais-tu moins en tournée ? 

J’ai envie de répondre oui. Vivre sans arrêt sur la route, c’est difficile. M’engager dans une relation, faire des trucs normaux, c’est impossible pour moi. Parfois, je me dis que ce serait mieux de vivre comme une personne normale mais je change tout de suite d’avis ! (rires) En vérité, j’aimerais pouvoir passer plus de temps en studio, pouvoir tester de nouvelles choses. Par exemple, j’adore la vidéo, j’aimerais faire plus de masterclass vidéo. J’aimerais en savoir plus sur les médecines douces, sur les méthodes de guérison pour les associer avec la musique. Finalement, ce sont deux médecines assez similaires.

 

Qu’est-ce que tu écoutes comme musique autrement ?

J’adore le hip-hop. J’adore ces sonorités. C’est une musique vraiment importante. Une grande partie de la créativité qu’on trouvait au début dans le rock se retrouve aujourd’hui dans le hip-hop. Je vois de très bons groupes émerger comme Alabama Shakes. La chanteuse Brittany Howard a environ 25 ans, elle est épatante !

En fait, j’écoute principalement du jazz, du vieux jazz. Be-bop, hard bop, cool jazz, Miles Davis, Sonny Rollins. Il y a une vieille tradition de jazz à Paris. Les jazzmen noirs américains venaient en Europe car aux Etats-Unis, ils n’étaient pas respectés et ici, ils étaient bien traités.

 

Pourquoi crois-tu qu’ici, l’accueil fut différent ?

Je pense que les Français ont une inclination naturelle pour l’art que les Américains n’ont pas. Ici, vous grandissez en ayant conscience de votre patrimoine. Aux Etats-Unis, ce n’est pas quelque chose que l’ont acquiert facilement. C’est une connaissance à laquelle peu de gens peuvent accéder. Les gens ne vont pas naturellement vers la culture.

 

Est-ce que la musique peut aider à changer ça ?

Je ne suis pas sûr. Avant, je pensais qu’avec une musique de qualité, on pouvait aider les gens à s’orienter. Je suis devenu plus pessimiste avec le temps. Avant, je voulais sauver le monde et maintenant, je me demande si le monde veut vraiment être sauvé.

Un exemple : aux Etats-Unis, on a les OGM. Tout le monde mange ces trucs génétiquement modifiés parce que c’est moins cher et personne n’est vraiment au courant des dangers. C’est la même chose pour la musique. J’ai appris qu’on ne peut pas juger de la qualité d’un disque au nombre de ventes qu’il a fait. J’ai appris à me détacher de ça, à ne pas forcément vouloir séduire la majorité. Je veux juste faire ce que je sais faire, jouer ma musique et rendre les gens heureux.

 

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Tu as une longue discographie derrière toi maintenant. Y’a-t-il un disque que tu préfères parmi ceux que tu as sortis ?

Mon préféré, c’est celui que je viens de publier. Mes disques sont la représentation de ma vie au moment où je les publie. Je ne peux pas préférer un vieil album parce que cela voudrait dire que je considère que ma vie était meilleure à ce moment-là. Je ne suis pas un homme de regrets. Je me concentre sur le présent, sur ce que je suis maintenant. Par ailleurs, pour moi, un auteur-compositeur se doit d’être un commentateur du présent.

 

Et quels sont tes 5 albums préférés chez d’autres artistes ?

Hum, c’est dur ça ! Je dirais “Saxophone Colossus” de Sonny Rollins, “Kind of Blue” de Miles Davis, “Axis : Bold as Love” de Jimi Hendrix. Ensuite, c’est plus compliqué. Je crois que le meilleur live que j’aie entendu de ma vie est celui des Who “Live at Leeds” de 1970. Le son est génial et ils chantent tous. Et pour finir, on va dire “Catch a Fire” de Bob Marley. Mais je pourrais continuer à t’en donner des milliers ! Et toi ? ton Top 5 ?

 

Hum, “The Wild, The Innocent & The E-Street Shuffle” de Bruce Springsteen, “Astral Weeks” de Van Morrison…

Oh oui, cet album est génial ! Van Morrison est quelqu’un de très spirituel et il est aussi très timbré. J’ai lu sa biographie et ses musiciens disent qu’ils avaient l’habitude de voir des anges flotter autour de lui. Van est un génie. “Enlightment” est un album étonnant mais “Astral Weeks” est encore plus incroyable ! C’est très émouvant.

 

Oui, il est impressionnant ! 

Pour finir, disons “Harvest” de Neil Young, le 1er album de Rickie Lee Jones et “Electric Ladyland” de Jimi Hendrix. D’ailleurs, tu n’as jamais repris “1983… A Merman I Should Turn To Be”, ma chanson préférée d’Hendrix. 

Oh mon dieu, c’est ma chanson préférée de tous les temps !! J’adorerais la reprendre… mais je ne peux pas. Elle fait partie de ces morceaux que je ne peux pas toucher. Ce n’est pas qu’une question de notes. Quelque chose dans cette chanson est SACRÉ.

Rien que le thème… ça parle d’un homme qui construit une machine pour vivre éternellement sous l’eau et tout le monde lui dit “non, tu n’y arriveras jamais. C’est contre la volonté de Dieu et la grâce du Roi”. J’en ai des frissons rien que d’en parler… Ils ont vraiment peur de lui parce qu’il va le faire quoi qu’ils en disent. Il se fout de l’opinion publique. Il ignore les gens qui lui disent qu’il va mourir ou qu’il est fou. Et musicalement, c’est divin ! C’est une chanson ahurissante.

Cette chanson et “Have You Ever Been To Electric Ladyland ?”, je ne les reprendrai jamais.  JAMAIS ! Il s’est passé quelque chose en studio au moment où il a enregistré ça, quelque chose qui doit rester secret. C’est drôle que tu me poses cette question car c’est vraiment ma chanson préférée de tous les temps !

Tu n’as jamais repris du Lynyrd Skynyrd ? Je te verrais bien sur “Free Bird” par exemple. 

Ah oui, cette chanson est top ! Je n’y avais jamais pensé, tiens. La prochaine fois que je joue en région parisienne, je reprendrai du Lynyrd Skynyrd. D’ailleurs, tu veux entendre mon histoire avec ce groupe ?

Quand j’avais 17 ans, il y avait un concert de Lynyrd Skynyrd à une centaine de kilomètres de chez moi. Bien sûr, je n’avais pas un rond. Mais avec un copain, on a décidé d’y aller quand même. On a pris le bus. On n’avait même pas d’argent pour rentrer chez nous. On n’avait pas de ticket pour le concert alors on a traîné devant les portes d’entrée. A un moment, le batteur du groupe Artimus Pyle est sorti et il nous a vus. Il nous a demandé si on voulait voir le concert. Bien sûr, on a dit oui. Alors il nous a laissés entrer et il nous a dit d’aller tout devant. On a vu tout le concert au premier rang. C’était incroyable, magique !

 

C’est pour cette raison que de temps en temps, quand j’apprends que des gens n’ont pas pu avoir de places pour mon concert, je les laisse entrer.

 

Tu as de nouveaux projets en route ?

Je suis toujours à la recherche de nouvelles idées. Là, je vais profiter d’être un peu chez moi pour bosser sur le nouvel album. Je ne sais pas encore de quoi il va parler. On verra sur le moment.

Et puis, en 2015, cela fera 25 ans que j’ai commencé à jouer. Je vais enregistrer un album pour l’occasion.

 

On attend ça avec impatience alors. Merci infiniment pour cette interview !

 

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Retrouvez tous les albums de Popa Chubby dont le récent “Electric Chubbyland : Popa Chubby plays Jimi Hendrix” on Amazon. Découvrir la discographie de Popa Chubby.

 

Crédits photos : Audrey Bgt pour La-Brucette.com

[Interview] CoolCoolCool – “Goodnight Cleveland”

CoolCoolCool

  • Prenez deux guitaristes déjantés, un américain (Nick) et un français (Piwi) élevés aux sons de Led Zep, des Stones et d’Harry Nilsson.
  • Ajoutez deux petits Frenchy, habitués de la scène, maîtrisant la basse (Yann) et la batterie (Pilou).
  • Mélangez le tout et saupoudrez d’une bonne dose d’humour et de coolitude. 

Vous obtenez CoolCoolCool !

 

Leur 1er EP “Goodnight Cleveland” est sorti en mars dernier.

 

 

On y retrouve notamment le single “GMTA” :

 

 

Ce samedi 30 novembre, ils passaient au 114 à Paris.

J’en ai profité pour leur poser quelques questions.

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Crédits photos : Audrey Bgt pour La-Brucette.com

 

Comment le groupe s’est-il créé ?

Piwi : Au départ, c’était Nick et moi. Nick est américain. On s’est rencontrés au Cours Florent. On a sympathisé et 6 ans plus tard…

Nick : Oui, on faisait des jams ensemble. Au bout d’un moment, Piwi m’a dit “Je ne serai jamais heureux si je ne me lance pas plus sérieusement dans la musique.”. Moi aussi, je mourais d’envie d’en faire mon métier. Du coup, je lui ai répondu : ‘Félicitations, tu es dans un band !”.

Piwi : Pour les deux qui restent : Yann et moi, on avait déjà joué ensemble et on avait bien accroché. Alors quand on s’est décidé avec Nick, j’ai tout de suite pensé à lui. Pour ne pas qu’il y ait 3 guitaristes, il a proposé de prendre la basse. Il nous a emmené Pilou au passage pour assurer la batterie.

Yann : Piwi m’avait demandé de les conseiller car ils faisaient un live dans l’émission “Au Secours, c’est du live !” de Ouï FM. Je les avais aidés entre autres sur la construction des morceaux.

Piwi : Voilà, je travaille là-bas. Avec les 2 autres animateurs, Dom Kiris et Sacha, on avait décidé pour la 600ème de  faire un live avec nos groupes persos. J’avais demandé à Yann de venir avec potentiellement l’idée de rejoindre le groupe à la basse. C’est ce qui s’est passé et il nous a amenés Pilou.

 

Pourquoi “CoolCoolCool” ? 

Nick : Quand tu cherches un nom de groupe, tu écris tout ce qui se passe par la tête. Et au final, CoolCoolCool, c’était catchy et c’est ce qui nous correspondait le plus.

Pilou : A un moment, on avait pensé à Goodnight Cleveland qui est devenu le nom de l’album mais sur les conseils de Dom Kiris, on a gardé CoolCoolCool et finalement, c’est vrai que ça nous va bien ! Et puis, rien que le nom CoolCoolCool est musical !

Nick : Sinon, on voulait s’appeler Overrated Doors !

Piwi : Oui, on trouve que les Doors sont un groupe vraiment surévalué. Tout le monde les place tout en haut et nous, on trouve qu’ils n’ont pas leur place dans le Top 10.

 

Vous mettriez qui dans ce Top 10 ? 

Piwi : Les Beatles, les Rolling Stones, les Pixies, Led Zeppelin, les Who, Harry Nilsson, Creedence Clearwater Revival, les Beach Boys, Pink Floyd, Jimi Hendrix !

Pilou : Rage Against The Machine et RadioHead !

Yann : Michael Jackson !

Pilou : Mais le top 10 de quoi déjà ? ça  ne veut rien dire ! (rires)

Yann : De toute façon, on a tous les 4 un Top 10 différent… (rires)

 

Crédits photo : Arnaud Perron chez Coffee&TV

 Crédits photo : Arnaud Perron chez Coffee&TV

 

Maintenant, faisons un petit jeu…

Décrivez-moi CoolCoolCool, chacun votre tour et en 1 mot. Bien sûr, il est interdit d’utiliser le mot “Cool” ! :p

Pilou : Ah bah oui, sinon on aurait tous choisi “Cool” et c’était le 4ème qui était dans la merde ! (rires)

Nick : Pour moi, ce serait “Hippie-Love” ou “Love” tout court, parce qu’aussi stupide que ça puisse paraître, la musique, c’est de l’amour ! On n’est pas seulement là pour délivrer du rock brut. La vérité, c’est qu’à la fin de la journée, on veut simplement un câlin.

Piwi : Moi, j’ai “Inespéré”, parce que je me suis toujours comparé aux grands et je ne me suis jamais senti suffisamment à la hauteur pour me lancer dans la musique. Un jour, je me suis mis à la guitare et j’ai rencontré Nick. On s’est dit qu’on allait créer ce groupe et c’était inespéré ! Je n’aurais jamais imaginé pouvoir en faire mon métier.

Yann : Alors, de mon côté, ce sont plutôt deux mots : “Plug & Play”. Je joue aussi dans d’autres groupes et avec eux, j’utilise toujours plein d’effets, de reverb. Là, avec CoolCoolCool, c’est le seul groupe où je branche simplement ma basse et je joue !

Pilou : Ah ben moi du coup, j’ai un seul mot : “Play” (rires). Avec Yann, on a un parcours un peu similaire, on a d’autres groupes avec lesquels on teste des choses plus complexes, plus cérébrales. On avait tous les deux besoin d’un groupe où on ne fait que jouer ! On n’a pas des sons de malade mais on délivre un truc qui vient des tripes !

Piwi : Je suis très très fier que Pilou et Yann aient accepté de nous rejoindre parce qu’avec Nick, on est des vrais amateurs. On n’a aucune idée de ce qu’on fait. Et maintenant, on a un super bassiste en la personne de Yann et on a Pilou qui, à chaque concert, se fait repérer par les professionnels. Heureusement qu’ils sont là, ils sont la colonne vertébrale du groupe !

Pilou : On est très complémentaires. Avec Yann, on vient chercher du cool et du relax et Piwi et Nick, vous venez chercher de la rigueur !

 

Qui fait quoi dans le groupe ? Ecriture, compo, booking, communication… ?

Piwi : C’est assez simple, en fait.

Yann s’occupe de l’organisation des répét’, du planning du groupe et de trouver certaines dates.

Pilou, c’est le bookeur principal, il gère aussi l’administratif et il a très officiellement la place de leader du groupe. C’est lui qui nous fait fermer nos gueules quand on va trop loin !

Nick écrit les chansons. Il est chargé de s’améliorer à la guitare (rires) et il livre des paroles extraordinaires !

Si vous tombez sur une chanson avec des paroles un peu moins bien, c’est que c’est moi qui l’ait écrite. Sinon, je m’occupe de la communication, la page Facebook et de faire le lien avec les professionnels.

 

Et en termes de tempérament ? 

Nick : Moi, je suis plutôt “Hippie-Love” ! Piwi, il a ce côté rock, tu ne peux pas l’arrêter. Il fonce, il envoie !

Pilou : Piwi, c’est celui qui vise les étoiles, il veut de grandes choses pour le groupe. Pour lui, tout est “chanmé” ! C’est un passionné. Et Yann, il incarne le cool…

Piwi : Yann, c’est la sérénité. Il peut y avoir les plus grosses embrouilles du monde, quand on ferme enfin nos gueules, Yann est là avec une blague, un sourire. Si le groupe existe encore aujourd’hui, c’est grâce à lui. Il a fait en sorte qu’on s’entende tous bien.

Pilou : Au final, on arrive à un équilibre.

 

Ce serait quoi la consécration pour le groupe ? 

Tous : Cleveland !

Pourquoi ? Qu’est-ce que Cleveland a de spécial ? 

Piwi : Cleveland, ça vient des années 70. C’est la plaque tournante légendaire des concerts dans le Mid-West, la capitale Rock’n Roll du Mid-West. Il y a un stade gigantesque à Cleveland.

Nick : Aux States, on a les deux côtes Est et Ouest. On a le Sud avec le Texas et le Nord avec Chicago mais au milieu, on n’a pas grand chose donc il faut alimenter le Mid-West. Et pour ça, il y a Cleveland, Ohio. Tous les grands groupes passent par là pour leur tournée. A la fin des concerts, au dernier rappel, ils vont remercier tout le monde, le public et tout. Là, ils finissent en hurlant “Goodnight Cleveland” et ils enchaînent avec leur dernière chanson de la soirée. Nous, on vise les étoiles mais on ne sait pas vraiment où on va tomber mais si c’est dans cette stratosphère, ce serait génial. Cleveland, ce serait l’idéal !

 

Crédits photos : Sarah Desti - www.sarahdesti.com

 

Noël approche… Quel serait le plus beau cadeau du groupe ? Une date ? Une tournée ? 

Piwi : Un label ! Pour enlever de nos épaules beaucoup de choses qu’on ne devrait pas faire nous-mêmes et pour nous permettre de faire plus de musique.

Percer sans label, c’est impossible selon vous ?

Piwi : Si, c’est tout à fait possible. C’est ce qu’a réussi à faire un groupe français comme Inspector Cluzo. Ils font tout eux-mêmes et ce sont des stars au Japon. Ils font même la première partie de Suicidal Tendencies aux US en ce moment !

 

Perdre un peu de contrôle, ça ne vous ennuie pas ?

Pilou : Au final, être dans un label, ce n’est plus ce que c’était avant. En fonction du label dans lequel tu es, ils te font une avance sur tes droits d’auteur. Après, plus tu vends, plus tu prends des tunes (ou alors c’est que tu t’es fait enfler). La différence, c’est que tu vas pouvoir te concentrer sur la musique. Bien sûr, le producteur vient mettre sa patte pour que tu vendes mieux mais surtout le label doit s’occuper de tout le côté marketing, l’envoi aux journalistes, tout ça…

Mon rêve, ce serait de pouvoir tout faire tout seul. J’adorerais mais je n’ai pas forcément les compétences ou le temps. Et puis quand il n’y en a qu’un qui s’occupe de tout, ça crée un déséquilibre dans le groupe.  Quand tu tournes à 4 musiciens, tu as besoin d’un “5ème homme” intelligent qui comprenne ton son pour te guider, orienter ton groupe sinon tu fais n’importe quoi !

Piwi : Après, se faire signer par une major pour qu’on ne s’occupe pas de nous, avec pour seul objectif de ne pas être signé avant par quelqu’un d’autre, non merci !  Moi, je suis prêt à lâcher un peu de contrôle artistique si c’est pour nous mettre dans des conditions où on peut répéter tous les jours et se faire un petit peu d’argent pour se consacrer uniquement à la musique.

 

Du coup, qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour trouver un label ?

Pilou : Il faut surtout qu’on enregistre nos nouvelles chansons.

Piwi : Il nous manque de l’argent pour presser l’EP en physique. Si on avait plus d’argent, on aurait plus de temps parce qu’on ne serait pas obligés de faire 36 000 jobs à côté. On pourrait se concentrer sur le groupe.

Pilou : On a des chansons qui ont bien tourné et qui doivent être enregistrées. Les gens qui nous écoutent réclament un CD physique…

Piwi : …voire un vinyle ! Par exemple, l’émission “L’EXCESSive Vinyl Session” de Philippe Manoeuvre sur Ouï FM où je bosse, ils veulent bien nous passer mais tant qu’on aura pas pressé de vinyle, c’est mort ! Presser un vinyle, ça coûte entre 80 et 100 €. Or, on est déjà à 3 000 € de dépenses sur le 1er EP et on est un peu au bout de ce qu’on peut injecter financièrement, nous-mêmes. Aujourd’hui, quand on a 100 balles, on préfère les mettre dans des répet’.

 

Crédits photo : Arnaud Perron chez Coffee&TV

Crédits photo : Arnaud Perron chez Coffee&TV

 

Quelles sont vos prochaines actualités ? 

Piwi : On essaye d’organiser une tournée dans le Nord-Nord-Ouest de la France au printemps. Et le gros projet très hypothétique, ce serait une tournée aux Etats-Unis, sur la terre d’origine de Nick.

 

Merci les CoolCoolCool ! 

 

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CoolCoolCool 

Piwi : chant, guitare

Nick : lead guitare, choeur

Yann : basse

Pilou : batterie

Retrouvez leur EP “Goodnight Cleveland” sur iTunes

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A lire également : la chronique de l’album “Goodnight Cleveland” sur le site d’indiemusic (que je vous recommande).

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